François Maspero
Les Abeilles et la Guêpe
Seuil 2002Maspero's surviving son François was born in 1932; he was 13 when his parents were deported to German concentration camps. He survived the war. In 1967, shortly before the tumults of 1968, he became a bookseller (La Joie de Lire) and publisher (Petite Collection Maspero), in the anti-Stalin Communist niche of the intellectual spectrum. He produced new essays and translations of classic left-wing texts, and identified with Third World movements (Guevara, Kenyatta, Fanon). An autobiographical novel (Le Sourire du Chat, 1984) and an investigation of the life of Paris suburbs (Les Passagers du Roissy-Express, 1990) reveal considerable talent as a writer. The first chapter of Les Abeilles et la Guêpe (2002) recounts his WW2 experiences more directly. Here is an extract:
Au début de 1941, Boris Vildé qui animait le 'réseau du musée de l'Homme'... passa la ligne de démarcation pour aller solliciter Malraux, réfugié dans le Midi. On connaît la fin de non-recevoir de Malraux: 'Soyons sérieux. Avez-vous des armes?' ... Un mois à peine après la rencontre de Vildé avec Malraux, le réseau fut démantelé sur la dénonciation d'un agent de la Gestapo qui s'y était infiltré. Mon père fut pris dans le coup de filet et passa plusieurs semaine à Fresnes, au secret. Puis il fut relâché.. (p9).
Mon père ... a été arrêté une seconde fois, ainsi que ma mère, en 1944, mais c'était du fait des activités de mon frère. La dernière fois que ma mère a vu mon père, rue des Saussaie, siège de la Gestapo, en juillet 1944, il lui a dit qu'il ne se faisait pas d'illusions sur son sort: 'Moi, mon dossier est trop lourd. Mais toi, ils te relâcheront.' En quoi il se trompait. Ils n'ont pas relâché ma mère. L'un et l'autre ont fait partie, dans des wagons à bestiaux différents, du 'convoi du 15 août' qui a quitté la gare de l'Est alors que les Parisiens vivaient déjà les heures euphoriques de leur libération. La fiche de mon père à Buchenwald porte la mention Verdacht terroristischer Betätigung, soupçonné d'activité terroriste. Il est mort au camp en mars 1945. Ma mère est revenue du camp de Ravensbrück. Quand elle s'est souciée de faire 'homologuer' la résistance de mon père, le camarade qui a été le plus proche de lui au camp pendant trois mois, colonel de son état et cadre de l'ORA (Organisation de résistance de l'armée), a certifié que d'après les confidences reçues, il faisait partie du réseau Buckmaster, autrement dit qu'il avait travaillé avec l'Intelligence Service, et c'est ce dont prennent acte le certificat d'appartenance à la Résistance intérieure française délivré par le ministère de la Guerre et les décrets lui accordant la médaille de la Résistance, la croix de guerre, la médaille militaire, à titre posthume, etc. C'est plausible, compte-tenu de son passé en Extrême-Orient. Parmi ces confidences, il était question de boîtes de chocolats qui servaient à transmettre des messages rédigés en caractères chinois...On aurait pu hausser les épaules, c'était tellement romanesque pour un monsieur si sérieux. Mais le fait est que | nous avons trouvé des boîtes de chocolats rongés de charançons, dans son bureau où s'amoncelaient les manuscrits orientaux et les notes pour des livres à jamais inachevés ... Et au fond de ces boîtes, il y avait effectivement des petits billets couverts d'idéogrammes. Les charançons qui ne respectent rien les avaient si bie perforés qu'ils étaient devenus indéchiffrables, même pour le plus lettré des mandarins. (p10-11)
13 June 2004 / Contact The Project / Exit to Sinology Page